mercredi 8 mai 2013

Mais qu'est-ce que tu vois ?




Cette photo glanée sur le web peut donner une idée de la perte de vision périphérique. Tu imagines ce que tu peux voir, la rue dans son ensemble, les trottoirs de part et d'autre, ses passants, ses devantures. Moi je ne vois qu'en face de mes trous de yeux. Je ne vois pas le noir tel qu'il apparaît sur la photo. Je ne vois que ce qu'il y a en face de mes yeux. 


Au fil de l'évolution de ma maladie, comme je ne peux pas voir ce noir qui encadre ma vision, je fais régulièrement le test avec mes mains, pour essayer de me rendre compte à quel niveau je ne la vois plus...
Cette photo est une représentation parmi d'autres, elle n'est pas représentative de comment voient les gens atteints de rétinite pigmentaire. C'est une maladie évolutive, une dégénérescence de la rétine. C'est génétique et l'évolution dépend des individus qui en sont touchés.
 Je n'ai pas conscience de la dégénérescence car je ne ressens pas de douleurs physiques, c'est dans les faits que je me rends compte. Un jour je ne vois pas la tablette de chocolat qu'on me tend - un de mes souvenirs les plus marquants (j'avais 19 ans) ou les plats apéritifs qu'on se fait servir. Ou bien je cherche mon bébé qui trotte partout pour me rendre compte qu'il est à mes pieds. En voiture, j'ai très tôt été très attentive aux piétons, mais quand je me suis aperçue qu'il m'en échappait quand même, je n'ai plus conduit en ville. J'ai profité le plus longtemps possible de conduire sur les autoroutes. L'été 2010 fut le dernier.

Par moments, j'ai des tâches qui apparaissent au milieu de l'oeil. Ma copine Cathy expliquait qu'elle voyait comme dans une passoire... c'est un stade plus évolué de la maladie. D'après les médecins, j'ai la chance d'avoir conservé une bonne vision centrale. Pour combien de temps ? Je ne sais pas. A partir de quand je ne pourrais plus lire un livre "normalement" ? Je ne sais pas. Avec les nouvelles technologies, je vais gagner du temps sans doute.

Pour essayer d'imaginer comment je vois, se mettre les mains en jumelles, les mains en rond autour de chaque oeil...
Imagine...
Des œillères puissance 4. Et la puissance va augmenter encore, jusqu'à voir comme dans un trou de serrure (c'est ainsi qu'on me l'a décrit à l'annonce du diagnostic).
Outre la perte de la vision périphérique, la RP crée une très forte sensibilité à la lumière. Le soleil de Mars - Avril est bas, et est très lumineux pour nos petits yeux endormis dans la torpeur de l'hiver. La luminosité est tellement forte que les passants se transforment en silhouette, tout semble flouté (comme sur une photo qui a pris trop de lumière). Le grand soleil fait vraiment conscience du problème de vue. Car j'ai toute la luminosité dont j'ai besoin, mais j'y perçois les limites de mon champ périphérique (sans voir noir pour autant).  Tandis qu'à la fin de journée, la lumière s'atténue, j'ai l'impression de moins voir car je manque de lumière.
Je ne vois pas les gens arriver, ceux qui vont croiser mon chemin, je ne sais pas évaluer la distance à respecter, et je me prends souvent à bousculer les piétons. (Si seulement je pouvais tomber dans les bras de beaux hommes !). Dans le métro, les stations à correspondances, où tout le monde part dans tous les sens, faible luminosité des néons, c'est une opération pénible qui demande à balayer le sol du regard pour tracer son chemin ...
A présent je suis gênée, même pour chercher un truc sur les meubles. Je vais être obligée, par la force des choses, d'être maniaque, et que chaque chose soit à sa place ! Dur dur !

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